Ça s'est passé à Haitï
le 18 mai 1955

À toi qui t’enracines au pied du peuplier, à toi qui croises les bras en puisant dans la terre, à toi qui t’amaigris sans vouloir te corrompre, à toi qui pries seul dans une chapelle immense, je t’apporterai du raisin par grappes entières, je t’apporterai du pain affermi par tes frères, je t’apporterai des oranges que le soleil éclaire, je t’apporterai de l’eau du fleuve, du calcium et du fer.

Tu cours au sacrifice comme d’autres courent après la gloire, je ne suis ni ton frère ni ton fils et je ne prends aucun pourboire, ma révolution est maigre, je jeûne par politesse comme toutes les humanités nègres qui cultivent la détresse, tu parles de ta seule voix au peuple que tu fais tien, et tu portes ta croix à la lueur d’un été indien.

Tu cours au sacrifice, regarde comme tu péris, que c’est triste un sage qui feint quand il maigrit, les familles mangent avec les chiens à quelques pas de toi, les vaches sont divines et promènent leur gras, les gamins de Bombay récoltent à la volée des piécettes qui trébuchent dans leurs menottes poussiéreuses, et toi le capitaine qui pointe tel un piquet, tari d’essence et d’intérêt, luttant contre ta grève.

À toi qui t’enracines au pied du peuplier, à toi qui restes libre de mourir pour ta gueule, je t’apporterai tant d’idées reçues du mahatma, je t’apporterai, Anna, d’autres raisons à ton combat.

Emmet Marsh

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Ça s'est passé à la Baie de Somme en avril 1802